[podcast] Livres, films, séries, théâtre : Rétrospective 2023

Livres, films, séries, théâtre... Rétrospective 2023 - Episode 1

Premier épisode du podcast de La Place des Grenouilles.

Dans cette revue culturelle, Florence et Sara reviennent sur une sélection de 12 oeuvres féministes marquantes de l’année passée. Un best of fait de renoncements qui vous donnera peut-être envie d’aller creuser un peu plus loin!

Découvrez ou re-découvrez leurs 3 films, 3 séries, 3 livres et 3 spectacles préféré·es de l’année 2023.

Côté livres, elles parlent de :

  • Triste Tigre, de Neige Sino
  • Les Hommes hétéro le sont-ils vraiment ? Par Léane Alestra
  • Comment réussir dans un monde un peu machiste (How to be successful without hurting men’s feelings) de Sarah Cooper

Sur petit écran, elles ont apprécié :

  • Filles de feu (Giulia Volli et Maïté Sonnet)
  • Unbelievable (Susannah Grant, Ayelet Waldman et Michael Chabon)
  • Sambre (Alice Géraud et Marc Herpoux)

Sur scène, elles ont applaudi :

  • Tahnee pour son spectacle Tahnee, L’autre
  • Typhaine D, pour Contes à rebours
  • Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette dans Une farouche liberté

Côté cinéma, elles reviennent sur :

  • Anatomie d’une chute de Justine Triet
  • Barbie de Greta Gerwig
  • Le Consentement de Vanessa Filho

Vous pouvez écouter l’épisode sur Apple Podcast, Deezer, Spotify, Podcast Addict, Amazon Music ou Acast.

Transcript de l’épisode :

[musique de générique d’intro]

Sara : La Place des Grenouilles, c’est une association ET un podcast qui proposent des espaces de discussion et de réflexion pour déconstruire, ensemble, les normes de genre.

Florence :  Au fil des épisodes, on vous propose :

  • de revenir sur des oeuvres et événements qui nous ont plu,
  • de découvrir des métiers à priori genrés,
  • ou encore d’approfondir des sujets de société grâce à des expertEs de différents domaines”

Sara : Nous sommes Florence et Sara,

Florence : bienvenue sur La Place des Grenouilles”

[fin de la musique de générique d’intro]

Florence : Aujourd’hui on va vous parler des œuvres qui nous ont plu ces derniers mois en termes de séries, de livres, de cinéma, et de théâtre. Sara est-ce que tu veux bien nous parler de séries ?

Sara : Yes. Je peux commencer par une série franco-belge qui m’a pas mal marqué qui s’appelle Sambre, qui est proposée par France Télévision. C’est une mini série en 6 épisodes qui dure à peu près 1 heure, un peu moins, donc ça parle de l’histoire vraie d’un violeur en série qui a sévi quand même pendant 30 ans, donc autour de la Sambre qui est un fleuve qui coule au nord de la France et en Belgique. Histoire vraie, un gars qui attaquait, enfin qui s’en prenait à des femmes qui allaient tôt le matin au travail ou à l’école. Souvent il faisait encore nuit donc autour de 7h du matin il s’en prenait à différentes victimes. Il changeait de victime à chaque fois et bon déjà il a commencé dans les années 80 (la fin des années 80) ça a duré de 88 à 2018 je crois quand même voilà (encore une fois : 30 ans !). Les policiers arrivaient pas déjà à prendre, je pense, parfois la mesure, l’importance de, la gravité des viols et ils n’arrivaient pas à faire le lien d’un viol à l’autre peut-être parce que la typologie des victimes était différente, parce qu’ils avaient peu d’éléments, parce que voilà encore une fois ils accordaient peu d’importance à à ce genre de choses.
Assez violent de se dire que c’est c’est réel et un truc que j’ai bien aimé de la série c’est que on n’est pas le point de vue du violeur comme ça peut être parfois quand on parle de criminels, on a le point de vue du criminel, là on sait dès le début qui c’est donc il y a pas le suspense sur “on va découvrir qui est l’auteur”, on sait qui c’est mais donc à chaque épisode on a le point de vue d’une personne différente, donc le premier épisode on est sur la victime, on a aussi la juge, on a une mairesse, on a une scientifique et donc sur six épisodes il y en a quatre qui sont du point de vue de femmes, ce qui est, je pense, un peu différent. Voilà, j’ai bien aimé cette série !

Florence : Super, merci Sara.

Sara : Une autre série que je voulais évoquer ici (on est sur les mêmes sujets, un peu, voilà, true crime où on se base sur des faits réels, et là où on est sur des violences sexuelles également) ça s’appelle Unbelievable. Cette fois c’est sur Netflix qu’on peut la voir, donc ça, c’est une fiction qui est basée sur un article de presse qui est paru en 2015. C’est aussi une mini-série, donc états-unienne cette fois, de huit épisodes d’environ 1 heure aussi.
L’histoire c’est une jeune femme qui est violée au petit matin dans son appartement et quand elle s’adresse aux policiers, que les policiers viennent sur place ils l’interrogent tout ça et puis ils examinent la scène, et en fait il y a très peu ou pas de traces laissées par l’agresseur, donc entre ça et le le récit de la victime qui est parfois un peu flou, pas toujours très clair, et les doutes émis par la mère d’accueil de la victime (qui avait été placée donc dans une famille d’accueil), les flics finissent par ne pas la croire et faire pression sur elle pour qu’elle se rétracte, donc c’est ce qu’elle fait. Et puis après en fait c’est le début d’une descente aux enfers parce que tout ça, ça a des conséquences assez catastrophiques : elle est rejetée par ses amis, elle est poursuivie pour fausse déclaration, elle est virée de son travail et bien évidemment elle ne va pas bien.
Et après, la série donc finit sur ce chapitre là puis passe sur un autre moment là où encore une fois une jeune femme est violée chez elle dans un autre Etat quelques années plus tard (toujours aux États-Unis) et cette fois-ci les flics font un rapprochement et vont mener l’enquête.
Voilà donc j’ai trouvé ça assez intéressant, c’est des choses un peu similaires qui sont pas traitées de la même façon mais j’ai trouvé cette série aussi assez haletante, on sait pas trop ce qui va se passer contrairement à Sambre où on sait, on connaît l’issue, on sait qui c’était etc, moi je connaissais pas l’histoire d’Unbelievable et donc je trouve que c’est assez bien mené aussi.

Florence : Du coup, c’est plus un angle “film policier” ?

Sara : Oui c’est ça.

Florence : Ca marche. Moi je vais vous parler des Filles du feu qui est une série en en 6 épisodes d’une heure qui est disponible en VOD créé par Giulia Volli et Maïté Sonnet. J’ai vraiment adoré cette série. Elle a un côté très dur, au début je regardais avec mes enfants (c’était pas une super idée, même si écrit à partir de 10 ans), donc ça parle de la chasse aux sorcières au 17e siècle, début 17e siècle au Pays Basque donc dans des paysages magnifiques. Ca retrace le parcours de trois sœurs qui voient arriver un juge qui s’appelle Pierre de Lancre, qui s’est donné pour mission de chasser les sorcières du fait qu’il soit terrifié de la liberté croissante des femmes et leur pouvoir à pouvoir se guérir quand elles sont malades, à s’avorter, à croire à des déesses… tout ça, ça le fait vraiment paniquer. Et du coup, au fil des épisodes on voit se construire déjà cette haine des femmes petit à petit, et de l’autre côté la société ne pas y croire et commencer à voir toutes ces libertés disparaître une à une.
Donc c’est vraiment super intéressant parce que la chasse aux sorcières moi je me rappelle qu’on en a parlé très très vite à l’école, ça a une perspective historique à travers ces trois histoires individuelles qui ont des profils différents : Jeanette c’est une mère de famille, Catherine une femme d’affaires qui est très indépendante, et Morgy, la plus jeune, qui est handicapée et qui vit une vie de bah d’adolescente qui profite de la vie, on se rend compte au fur et à mesure que malgré ces différences à un moment ou un autre elles sont toutes brûlables juste parce qu’elles existent. Et on voit aussi les alliances changer, les convictions basculer, le roi au début qui avait fait volontairement venir ce ce juge pour se débarrasser, enfin pour ses intérêts personnels en réalité, qui voit petit à petit ses courtisanes aussi être menacées, c’est assez flippant et en même temps intéressant de voir cette tournure-là. Un des aspects aussi qui m’a perturbée c’est à quel point on voit dans la série mais aussi par rapport à soi-même comment on peut s’accoutumer aux violences qu’on voit et aux acquis disparaître. Voilà. Après, je pense que c’est quand même accessible à tout le monde cette série et vraiment encore une fois je vous la conseille vraiment vraiment.

Sara : Est-ce que tu penses que, enfin, est-ce que tu revois des échos à des choses qu’on peut vivre aujourd’hui ou c’est justement positif parce qu’on voit l’évolution ?

Florence : Oui, alors c’est positif, oui et non parce que moi j’ai l’impression de voyager dans le temps et pour moi ce qui ressortait, c’est que rien n’est jamais acquis sur l’avortement  donc il y a effectivement des parallèles mais c’est que tout ce qui avait été gagné on arrive sur une société où il y a une bonne, les femmes peuvent s’épanouir et vivre et tout est détruit peu à peu donc pour moi c’est un gros signal d’alarme de jamais baisser la garde, et que rien n’est acquis, de toujours jouer des coudes et de défendre ses droits.

Sara : Ok.

Florence : On va passer aux livres, maintenant. Alors le premier, donc on change de ton, c’est un livre de Sarah Cooper qui est une humoriste américaine qui a travaillé chez Google et Yahoo donc plutôt dans la tech (en réalité, elle s’est reconvertie) qui s’appelle How to be successful without hurting men’s feelings et le livre français c’est Comment réussir dans un monde un peu machiste. J’ai adoré ce livre (il y a très peu de livres qui me font mourir de rire du début à la fin) il y a plusieurs catégories qui sont abordées dans ce livre : les rêves, la communication, l’ambition, l’authenticité, les alliés, l’entrepreneuriat, le harcèlement, la négociation, le fait de s’occuper de soi.
C’est un livre vraiment drôle, il y a beaucoup d’images, c’est pas un roman ; par exemple il y a un quiz sur le syndrome de l’imposteur où on doit cocher des cases et on doit cocher à chaque fois les phrases dans lesquelles on se projette. Par exemple “je ne mérite pas mon succès”, “quel succès je n’ai rien fait de ma vie”, “quand quelqu’un me critique je sais que il ou elle a raison”, “tout ce que je fais est lié à 90 % de chance et 10 % de chance”…
Il y a aussi des images où on voit une image (exactement la même image) mais avec un texte différent donc par exemple sur la page “comment est-ce qu’on fait pour envoyer une demande par email”, donc on une femme devant son ordinateur et là il y a écrit “menaçant”, c’est menaçant quand on dit “envoie-moi cette présentation quand elle sera prête” et à côté on voit exactement la même image donc une femme devant son ordinateur sur une version “moins menaçante “qui est “hey Jake donc bonjour Jake – emoji souriant souriant – est-ce que tu pourras jeter un œil à cette présentation quand ce sera prêt -point d’interrogation- merci -point d’exclamation- -point d’exclamation- -point d’exclamation- -smiley- -smiley- -smiley-”
Une autre façon, enfin un autre exemple c’est ton idée est volée donc ce qui est menaçant c’est de dire “c’est exactement ce que j’ai dit”, une version non menaçante c’est “merci d’articuler ça de façon aussi claire”. Bon, c’est quelques exemples, mais en fait ça fait quand même pas mal écho à des situations réelles en entreprise. Sur un ton beaucoup moins drôle, je te passe la main Sara sur Triste tigre.

Sara : Ouais Triste tigre vous en avez probablement entendu parler, en tout cas si vous écoutez des podcasts féministes, c’est un… un objet… un peu un ovni, j’ai l’impression. Un objet étonnant par la forme c’est… Je sais pas si on peut dire enfin je sais pas dans quelle catégorie ça rentre, c’est pas c’est pas un roman, c’est pas un essai, par moments c’est une revue un peu documentaire de certaines choses, on a l’impression d’entrer dans l’esprit de l’autrice (Neige Sinno), qui a donc été victime d’inceste par son beau-père depuis à peu près ses 7 ans à ses 15 ans (ou quelque chose comme ça), qui a vécu l’enfer et qui vit aujourd’hui encore avec ses fantômes.
Je trouve qu’elle dit l’indicible avec beaucoup de pudeur et à la fois c’est cru mais sans être voyeuriste, elle pose plus de questions qu’elle n’en résout hein. C’est un livre que j’ai lu, que j’ai dévoré je sais pas, en deux fois, il est prenant, on rentre vraiment dans un dans ces questionnements qui ne doivent pas la quitter à mon avis et j’aimerais bien vous lire  un ou deux paragraphes.
Donc Neige Sinno dit : “Comment une petite fille comme ça peut-elle attirer le regard d’un homme ? Qu’est-ce qu’il y voit quand il la voit ? Qu’est-ce qui peut y avoir d’érotique chez un petit être au genou croûté qui n’a pas encore perdu toutes ses dents, qui peut passer une heure à essayer d’attraper les lézards entre les pierres chaudes de l’après-midi ? L’innocence, c’est ça qu’il y a à avoir, la plus pure innocence. Et ce qui attire, c’est peut-être simplement la possibilité de la détruire.”
Et enfin en relisant ces lignes, l’émotion est là, ça me touche beaucoup, je, voilà, c’est ça, c’est à l’image du reste du livre. Donc il a reçu le Prix Fémina, il est édité chez Pol ou P.O.L (je sais jamais comment on dit), je le recommande vraiment, il est il est dur, il est très dur mais je pense qu’il est important, voilà.

Florence : Il a aussi gagné le Prix Goncourt des Lycéens, du coup c’est visiblement ok pour les lycéens, moi j’ai pas fini de le lire mais effectivement il est très perturbant.

Sara : Et oui je dis “nécessaire” parce que vu que il y a, je crois, trois enfants, ou deux enfants par classe qui sont victimes d’inceste, on en parle pas assez parce que c’est très tabou parce que c’est très dérangeant mais c’est hyper important donc voilà, celui-là je pense qu’il est vraiment à mentionner et à lire et à recommander.

Florence : Merci Sara.

Sara : De rien 🙂
Un autre livre, autre registre, aussi autre genre : il s’agit d’un essai intitulé de façon très provocatrice Les Hommes hétéro le sont-il vraiment ? Donc j’aime beaucoup déjà le titre et l’humour de Léane Alestra (donc qui est aussi créatrice du podcast Mécréantes), c’est un essai qui est très riche, qui est très structuré, très documenté, qui va emprunter des références philosophiques, qui va emprunter des choses à l’histoire, à la littérature, la socio, même la théologie. En fait Léane Alestra va justement montrer que les hommes sont soumis à des injonctions un peu paradoxales, qui provoquent une dissonance cognitive : d’une part les hommes hétéros sont sont éduqués à mépriser tout ce qui est féminin, mais d’autre part ils doivent relationner avec les femmes, donc c’est, voilà, il y a cette contrainte à l’hétérosexualité, une misogynie qui est à intérioriser et à performer ; dans les interviews qu’elle proposait à je crois Brut ou d’autres médias, elle disait “En fait les hommes vont être fiers de nommer et de lister leurs conquêtes mais pour épater les autres hommes, pour être aimés des autres hommes, justement pour impressionner les autres hommes” donc est-ce que, enfin, c’est là où on rejoint le fait que les les femmes sont souvent de simples objets, des faire-valoir pour les hommes auprès de leurs copains, donc voilà cette idée je pense qu’on peut le vite l’intégrer, mais en tout cas elle va décomposer tout ça elle va décortiquer les différents mécanismes.
Donc si on regarde la table des matières il y a, bon, par exemple, la première partie s’intitule “Les potes avant les putes”, voilà il y a des choses comme le boys club, elle étudie les meutes et les mâles alpha, elle parle des coachs en séduction, il y a aussi la deuxième partie c’est “Tu seras hétéro mais pas trop mon fils”, voilà elle parle de la bromance, elle parle des relation parfois ambigues entre les hommes, voilà elle dit que “Du rival à l’amant il n’y a peut-être qu’un pas”, voilà, pour finir sur “La loi du père” donc elle parle de religion aussi (de la religion chrétienne) elle parle d’Oedipe, enfin bon bref il y a beaucoup beaucoup de choses qui sont qui sont étudiées et c’est rafraîchissant, c’est intéressant, c’est provocateur et en même temps, pas gratuit. Voilà, je pense que c’est un un essai très intelligent et je me dis que les hommes gagneraient beaucoup à le lire.

Florence : J’avais entendu un podcast dessus effectivement, j’avais très envie de le lire. 

Sara : On passe au cinéma ? 

Florence : On passe au cinéma ! Anatomie d’une chute, de Justine Triet, donc un film plutôt procès, tout le monde le connaît, il a fait beaucoup de bruit ces derniers temps aux Césars.

Sara : Il a été très primé oui.

Florence : oui, carrément, largement mérité.
Tu veux en parler un peu plus peut-être ? 

Sara : Oui, je peux peut-être dire que je suis pas fan des films longs en général, quand j’ai vu la durée en amont je me suis dit “ouh là” et en fait j’ai pas vu le temps passer ! Alors que c’est pas, enfin, il a un rythme quand même un peu lent, mais je n’ai pas vu le temps passer, j’ai été prise, j’ai trouvé ça hyper haletant.
Donc peut-être pour les gens qui ne connaîtraient pas l’histoire : au tout début il y a un homme qui est retrouvé mort par son fils (donc c’est une famille qui vit à la montagne, dans un chalet) et donc on sait pas si l’homme a été poussé par la fenêtre, s’il s’est jeté par la fenêtre, bref il est découvert et son corps gît devant la maison, l’enfant était pas très loin de la maison, il revient d’une balade quand il découvre le corps de son père. La femme, l’épouse était dans la maison donc voilà tout pousse à croire que c’est elle qui l’a poussé mais en même temps on peut pas trop savoir etcaetera donc ça raconte on peut dire l’histoire de l’enquête et du procès. On sait jamais trop vraiment, même à la fin, j’ai l’impression que la réponse n’est pas explicite et claire. J’ai trouvé que c’était un film très juste, dans la nuance : le couple et les relations humaines, quelles qu’elles soient, peuvent amener beaucoup de choses positives mais peuvent venir aussi avec leur lot de violence (ordinaires hein, je parle pas de meurtre) et j’ai trouvé ça très dur et réaliste. Lors du procès, lorsqu’on il y a des enregistrements qui sont joués on voit que ben en général oui des couples qui sont ensemble depuis X années bah tout n’est pas rose et c’est normal et du coup ça peut être vu ou lu ou entendu par différents prismes et bref toute la complexité de ces relations et du regard qu’on porte sur elles, j’ai trouvé ça hyper intéressant. J’ai trouvé qu’on était embarqué·e dans l’histoire assez rapidement ; la relation aussi entre l’enfant et la mère est complexe également et elle est dure aussi. Voilà, je sais pas ce que tu en as pensé Florence, moi j’ai adoré. 

Florence : Oui effectivement le film est très lent et quand j’avais vu la durée, c’était un grand frein. C’est vraiment une histoire bah assez intime donc effectivement au début quand la scène commence avec un fond sonore où il y a une personne qui vient interviewer l’écrivaine, et il y a une musique très très forte qui empêche en fait de s’entendre et du coup rien que ça c’est une autre forme de violence, et je comprenais pas. Mais c’est vrai que petit à petit on découvre les cadavres dans les placards de cette famille qui sont, somme toute, très banals, mais qu’on voit assez peu au cinéma et qui permet de, enfin à la fin on dit “mais ça aurait pu arriver à tout le monde” et clairement il y a pas de gentil ou méchant, on sait toujours pas qui a fait quoi, donc donc ouais assez assez perturbant comme film et j’ai aussi beaucoup aimé en effet.
C’était très très bien joué par tout le monde. On voit les rancœurs aussi par rapport au choix de vie entre l’écrivain (donc le mari, enfin, le mari, l’homme décédé du coup) qui a eu un sentiment de sacrifier sa carrière au profit de sa chérie de l’époque donc c’est vraiment effectivement “l’anatomie d’une chute” dans le sens où on voit bien à quel point ils se sont aimés et à quel point il ne s’aiment plus du tout jusqu’au moment du film quand ça démarre avec déjà un décès, donc très très prenant. César mérité.

Sara : Une dégringolade qui est amenée en rétrospective quoi, et la temporalité, je pense qu’il y a pas il y aurait pas mal de choses à dire sur la temporalité comment elle est traitée et à l’écran et dans le fil narratif. Et aussi on se demande comment les protagonistes ont vécu à l’intérieur d’elle et d’eux-mêmes cette temporalité là. 

Florence : Il y a un documentaire qui va être diffusé bientôt sur justement les coulisses d’Anatomie d’une chute sous le prisme de Justine Triet, je crois que ça va être à la télévision, en réalité j’ai vu l’article tout à l’heure, peut-être qu’on donne la voix aux actrices.

Sara : Super ! (Et en tout cas Justine Triet rend très fière la France, bravo)

Donc, de la France on passe aux États-Unis à nouveau pour un film incontournable, je crois, en 2023 en tout cas : on va parler de Barbie, de Greta Gerwig. Donc Barbie qui est assez controversé dans les milieux féministes, un peu clivant. Alors, personnellement je trouve que c’est un film qui a le mérite d’exister, un film qui a mis un gros mot dans les bouches de personnes qui ne s’intéressent pas à ces sujets-là, j’ai nommé “le patriarcat” ! Parler de ce système et l’illustrer (même si c’est de façon un peu simpliste) dans des salles de cinéma grand public, je pense que c’est utile, que c’est positif. Je pense que c’est assez cool qu’on ait financé à une telle hauteur un film réalisé par une femme, parce que c’est pas tous les jours et qu’il y ait eu autant de succès, autant d’entrées en salles. Donc ça c’est pour tout l’aspect positif.
Après, je pense qu’on a beaucoup de choses, qu’on peut lui reprocher beaucoup de choses, à ce film. Déjà moi la fin elle me choque profondément, je trouve que c’est un bide total ; je trouve qu’il y a des longueurs aussi dans ce film pour le coup là les 3h (ou je sais plus 2 heures et quelques) je les ai senties ; je pense que alors oui il y a un peu de diversité qui est montrée mais c’est un peu, histoire de se donner bonne conscience, après la protagoniste reste blanche, cis, hétéro, valide etcaetera, etcaetera, voilà on traite pas des questions d’intersectionnalité ou des choses comme ça. Bon, certains et certaines disent que c’est un film féministe au service du capitalisme, je sais pas si c’est “au service de”, moi je le vois comme Greta Gerwig a profité de budget de grands méchants capitalistes pour faire passer un message qui ne l’est pas, ou pas forcément, donc ça j’ai trouvé cool. Il y a quelques passages qui sont assez chouettes, je pense notamment à une scène où Barbie voit une vieille dame et met en valeur sa beauté ; je pense notamment à une tirade aussi d’un personnage qui montre les injonctions paradoxales et impossibles qui sont mises sur les femmes… Je sais pas ce que tu en as pensé, toi, Florence ?

Florence : Je pense que ce moment où il y a effectivement le monologue c’est vraiment le take-away de ce film, et il a fait beaucoup d’écho je pense chez les femmes, de par ce passage. Moi j’avais pas de grosses attentes en réalité sur ce film donc il était très bien haha dans le sens où bah c’est un film qu’on peut voir en famille qui est réellement apprécié de tout le monde donc oui c’est pas le film du siècle forcément mais c’est sympa, ça se regarde. Peut-être un peu long, en effet, mais il y a quand même plusieurs passages où rien que le fait que ça titille en faisant tiens ça nous étonne parce que d’habitude c’est l’inverse ça soulève quand même des questions de voir un film où bah les hommes, enfin, pour le coup, on voit Ken être dans un monde où les hommes sont à la place qu’ils ont aujourd’hui (donc plutôt patriarcal) alors que lui il a évolué dans un monde où c’est plutôt… je sais pas si c’est matriarcal mais il est très très minoritaire et il est plutôt soumis, c’est beau, en fait, de voir ce côté illuminé et ensuite de le voir devenir un gros c-o-n, c’est aussi intéressant quand il est grisé par le pouvoir.
Il y a quand même plusieurs passages effectivement qui m’ont grattée, donc au-delà des sujets qui sont pas traités, je trouve que ça a de la valeur quand même, que ce soit adressé au plus grand nombre et c’est quand même l’un des rares films où j’ai des des collègues ou des amis hommes qui viennent dire “Ah c’est génial j’ai appris ou j’ai compris quelque chose”. Donc oui nous on se dit “Bah oui c’est ce qu’on vit” mais visiblement tout le monde ne le sait pas donc le fait de pouvoir dénicher des supporters masculins c’est déjà un exploit en soi.
Il y a un des points qui m’a marquée à la fin par rapport à mes propres, à mes propres choses à déconstruire c’est que j’étais surprise (même si je n’aurais pas dû) mais il y a pas beaucoup de films où Ken et Barbie ne finissent pas ensemble, où ce n’est pas un couple. Le fait que c’est pas parce que Ken est gentil et sympa et dévoué qu’ elle lui doit ou qu’elle est obligée, où elle dit juste “Je ne t’aime pas” et ça, c’est quelque chose qu’on voit rarement, c’est plus vu comme un dû, comme une évidence, comme si la fille ou la femme n’a pas de choix quand un homme lui plaît (surtout quand il est aussi beau gosse que Ryan Gosling (selon certains standards).

Sara : (Oui bon, ça c’est subjectif hein, haha)

Un autre truc que j’ai oublié de dire et que j’ai beaucoup aimé du film c’est les décors, les couleurs des décors ; il y a des partis-pris côté direction artistique qui sont assez chouettes, ça c’était c’était différent. 

Florence : C’était très très coloré, c’était comme un bonbon en fait pour moi ce film. Après je vais pas y penser toute ma vie mais c’est un moment apprécié.

Sara : Bon même si on n’a pas aimé certaines choses, c’est, ça nous semble quand même un incontournable, faut l’avoir vu quoi.

Florence : Absolument.

Sara :  Troisième film dans notre Top 3 (enfin non, c’est pas forcément priorisé) mais en tout cas un des films qu’on voulait mettre en valeur, c’est un film qui est tiré d’un livre (donc on l’a vu ensemble d’ailleurs celui-là, Florence). C’est Le Consentement, donc moi j’avais lu le bouquin dès qu’il était sorti, j’avais hâte de voir le film et tu peux peut-être nous dire ce que tu en as pensé ? 

Florence : Moi je n’ai pas lu le livre mais pour le coup enfin le moment où le livre est sorti c’est quand même un de mes, un des éléments qui m’a poussée encore plus vers le féminisme. Le fait que personne ne la croyait et qu’il devrait pas y avoir de débat sur le fait que soit complètement pas ok de faire ça et visiblement dans mon entourage il y avait quand même des doutes. Du coup le film, ce que j’en ai pensé. Bon déjà, je suis pas allée en mode très tranquille donc effectivement il est assez cru, il y a eu quand même des choix artistiques très assumés on va dire mais il me semble bien retranscrire ce qu’une jeune fille a pu vivre, comment l’entourage réagit.

Le seul point que je regretterais peut-être, c’est la place que prend l’acteur dans ce film (alors, qui est peut-être voulue, dans le sens où on veut voir la relation d’emprise et à quel point elle peut pas s’en sortir dans certaines conditions). Ce qui m’a perturbée aussi c’est de voir, parce que c’est des questions qu’on se pose en fait, mais où sont les parents et en fait bah Gabriel Matzneff s’attaquait à des familles monoparentales en réalité et même dans ce contexte-là on voyait la mère s’opposer très fortement au début et à un moment, plus vers la fin, regretter le départ de ce violeur. Donc oui, assez vertigineux comme film, mais nécessaire. Du coup je sais pas Sara si c’était fidèle au livre ?

Sara : Déjà je pense que c’est peut-être important de mentionner que ça, c’était un des points que je voulais checker avant de me dire que j’allais le voir ou non. Vanessa Springora (l’autrice du livre et donc la victime dans les faits réels de Matzneff, enfin, une des nombreuses victimes, quand elle avait 13-14 ans) a travaillé de très près avec Vanessa Filho, la réalisatrice du film. Pour moi, ça c’était important, de savoir que déjà, cette personne à qui, enfin, dont l’histoire appartenait était là et validait les contenus, la démarche, etcaetera. Pour moi c’était vraiment indispensable donc j’ai regardé quelques interviews aussi des protagonistes, des acteurs principaux et actrices ; voilà donc ça déjà c’est un partenariat, c’est une collaboration qui s’est faite donc ça je pense que c’est c’est un gage de de qualité et de fidélité, pour moi oui c’était fidèle.
C’est un film qui a partagé là aussi les féministes : certaines personnes estiment que ça sert à rien de mettre en images, que ça peut tomber dans une apologie de la pédocriminalité ; je suis pas de ces personnes-là. J’avais lu le livre, j’avais aimé le livre, il m’avait beaucoup touchée, il m’avait vraiment bouleversée et le film aussi. Et je pense qu’il apporte malgré tout quelque chose de plus ; de voir à l’image ça donne une idée des corps, de la matière, des odeurs, ça apporte en fait une matérialité supplémentaire au récit je trouve, donc pour moi les deux œuvres sont complémentaires, les deux œuvres sont utiles, je pense que c’est plus facile de toucher un plus grand nombre de personnes avec des gens qui passeront une heure et demie (ou je sais plus combien dure le film) à voir le film plutôt que peut-être une journée et demie à lire le livre (en général les gens -ça dépend mais- lisent plus lentement que ne vont regarder un film). Oui pour moi c’est un bon film, un film nécessaire, important.
J’ai bien aimé aussi la place que l’on donne à Denise Bombardier, qui a était la seule en fait à dénoncer dans cette caste d’intellectuels francophones ; cette scène vraiment absolument abominable sur le plateau d’Apostrophes avec Bernard Pivot où on traite le sujet des “conquêtes” (entre guillemets, avec d’énormes guillemets) de Matzneff de petits garçons ou de petites filles qui se font agresser, violer, avec beaucoup de légèreté et de… rien que d’y penser là, ça me dégoûte et justement cette femme qui seule envers et contre tous ose montrer que c’est pas ok, que c’est, que c’est une société malade en fait, celle qui accepte ça et celle qui en plus non seulement accepte mais glorifie ça, bref donc ça c’était une partie ; je pense aussi que aussi les rôles sont très bien interprétés, 

Florence : Oui, Kim Higelin elle est incroyable pour le coup, l’actrice qui joue la victime.

Sara : Voilà, j’ai l’impression qu’on rentre, on comprend bien l’emprise, qu’on rentre bien dans la psychologie du personnage (et du personnage, là j’entends la victime) donc j’ai, ouais moi j’ai bien apprécié ce film. J’ai trouvé qu’il était, qu’il avait le ton juste et voilà, qu’il est dur mais qu’il est à voir si on en a les capacités.

Florence : Clairement. On se met bien, on arrive vraiment bien à se projeter, ça a été très très fidèle à tout en fait.

Il y a un passage du coup aussi qui est mentionné, c’est rare mais il y a eu quelques passages de ce type là où on voit, on entend la voix de Gabriel Matzneff dans le sens où on se projette à sa place et il y a un moment où il parle du moment où lui a été violé à 13 ans et qui donne du coup un peu de perspective sur ce qui se passe, que c’est tout un système ; c’est pas juste l’histoire entre deux personnes, même si c’est quand même le fil rouge ça c’est quelque chose que je savais pas.

Sara : Pour le coup ouais j’ai oublié ce passage-là tu vois !

Florence : J’ai oublié la statistique mais en fait c’est très fréquent chez les violeurs je crois.

Sara : Oui, ils vont reproduire ce qu’ils ont vécu ouais. 

Florence : On va passer au théâtre…

Sara : Oui !

Florence : … avec la pièce Une farouche liberté de Annick Cojean et Lena Paugam.

Sara : Alors le texte, en fait la pièce est basée sur des textes qui ont été collectés et mis en forme par Annick Cojean, qui était donc une très bonne amie de Gisèle Halimi, donc mise en scène par Lena Paugam donc. Ariane Ascaride est incroyable, Philippine Pierre Brossolette aussi, les partis-pris sont hyper intéressants, la mise en scène est géniale il y a beaucoup d’émotions, moi j’ai pleuré, je l’ai vue trois fois cette pièce, je la recommande vraiment très chaudement, on se rend pas compte de tout ce que Gisèle Halimi a fait en fait. 

Les décors sont minimalistes et tombent vraiment à point, il y a un jeu de lumière, de couleurs, un côté épuré qui viennent justement relever la force des textes, moi je trouve ça incroyable si on n’a pas l’occasion de voir cette pièce sur scène (mais vraiment faites tout pour), sachez qu’il y a une BD qui reprend la vie de Gisèle Halimi, il y a aussi donc le texte de base d’Annick Cojean, ça raconte 70 ans de combat d’une femme incroyable née en Tunisie dans un milieu assez pauvre. Gisèle Halimi a dénoncé la torture, elle a défendu des militants et militantes qui luttaient pour les indépendances de la Tunisie et de l’Algérie, donc différents combattants du FLN et notamment cette histoire de Jamila Boupacha (qui avait été violée, torturée par les autorités françaises pour essayer de lui tirer des aveux), elle va aussi s’engager pour l’IVG, elle va être signataire du manifeste des 343, elle défend Marie-Claire Chevalier (et sa mère et trois autres femmes qui avaient permis de procéder à un avortement). Donc Marie-Claire Chevalier, à 16 ans, avait été victime de viol et donc c’était tout autour de ce fameux procès de Bobigny, elle a aussi été (donc elle, Gisèle Halimi) a été l’avocate de ces deux touristes belges en vacances dans le sud de la France, Anne Tonglet et Araceli Castellano, donc un couple lesbien qui était en vacances dans le sud de la France et qui a été qui a été victime de viols en réunion, avec des violences terribles, durant toute une nuit. Donc c’est un mec qui avait essayé de les draguer, elles avaient pas cédé évidemment à ses avances et donc du coup deux jours plus tard il est revenu avec des potes pour les punir quoi, et c’est une affaire qui a permis, là aussi, de criminaliser le viol qui est maintenant passible de 15 ans de prison en France, donc là que ce soit le procès de Bobigny, ou celui-ci, Gisèle Halimi a vraiment fait, par sa stratégie de médiatisation des procès, elle a fait changer les lois. Elle s’est engagée en politique aussi, enfin bon bref j’ai adoré c’est hyper puissant, hyper fort, je sais pas ce que tu en as pensé Florence ?

Florence : Moi j’ai adoré aussi hein parce que ça me fait penser aussi à bah la série tout à l’heure des Filles de feu sauf que là c’est une personne, qui a été extrêmement importante sur l’histoire en France des femmes (ou pas que des femmes même, par rapport à l’Algérie) et on a l’impression qu’elle a eu dix vies, elle a un courage incroyable c’est super inspirant. Même si elle est très connue, je veux dire on n’en parle pas tant que ça, par rapport à tout ce qu’elle a fait je veux dire. A la fin quand on voit son rôle politique on pense que bah après avoir fait tout ça elle arrivera à débloquer des choses et finalement elle se retire mais elle avait des propositions très très contemporaines et on aurait une société qui serait sûrement meilleure si ça avait été adopté. Donc vraiment incroyablement inspirant, aussi instructif, parce qu’on connaît Gisèle Halimi pour certaines choses mais sur l’ensemble de sa contribution, de ses contributions, moi j’avais pas tout ça en tête, donc effectivement je rejoins Sara lisez le livre, la BD, ou allez voir la pièce

Sara : La pièce est quand même incroyable, allez voir la pièce ! 

Florence : Surtout qu’elle vient de ressortir là (ça jouait plus, à un moment).

Sara : Ouais ouais et je me dis qu’ elle va sûrement tourner ailleurs en France donc restez à l’affût, mettez des alertes parce que ça vaut vraiment le coup !

Florence : Clairement. Dans un autre style : Contes à rebours de Typhaine D, donc qui propose d’autres versions des contes de notre enfance. Moi j’adorais les cotes haha, j’ai vraiment été bercée, socialisée par ça, et je voyais qu’il y avait quand même des petits problèmes haha sans vraiment pouvoir vraiment mettre le doigt dessus. Chaque spectacle est différent, elle va prendre des réinterprétations en rendant visible l’absurde et la violence qu’il y a derrière ces messages qui sont passés à travers les contes, des siècles après des siècles et surtout le rôle de propagande de culture du viol. C’est vraiment un outil qui nous oppresse et qu’il faut arrêter de propager en tout cas sous cette forme-là. Et à travers ce spectacle pour moi Typhaine D elle est bah elle est incroyable, dans le sens où elle nous ouvre les yeux sur plein de choses. Pour le coup, j’y étais avec mes enfants, pour celui-ci, et on a tous et toutes énormément aimé. Et toi Sara, qu’est-ce que tu en as pensé ?

Sara : J’ai adoré, j’ai adoré en plus j’ai vu cette pièce le jour de mon anniversaire, c’était un très beau cadeau. Typhaine D questionne les normes, des normes sociales, des normes linguistiques aussi, et toutes nos représentations qu’on se forge dès la plus tendre enfance avec la féminine universelle (la fameuse) et avec beaucoup d’humour. En effet, elle change les textes à chaque représentation en intégrant l’actualité politique, enfin des faits assez récents.

Florence : Attends, est-ce que tu veux bien expliquer la féminine universelle pour les auditeurs, auditrices qui ne savent pas forcément ?

Sara : Effectivement, la féminine universelle donc c’est un langage qu’elle a créé pour justement montrer à quel point notre langue française est masculinisée, où à quel point le masculin fait soi-disant (mais évidemment pas) le neutre et donc elle met pratiquement tout au féminin. Donc au lieu de dire… je sais pas, j’ai pas d’exemples…

Florence : “Il pleut”, c’est “elle pleut”.

Sara : Voilà ! Elle pleut, par exemple, au lieu de dire “une vidéo” elle va dire “une vidéa” voilà ça c’est marrant et évidemment c’est une performance artistique, je pense pas qu’elle voudrait défendre que l’Académie passe tout à la féminine universelle mais c’est pour éveiller les consciences en fait, parce que en inversant les genres dans la langue c’est là où on se rend compte à quel point notre langue est genrée.

Florence : Même il y a des mots que j’ai intégrés qui avant me paraissaient bizarres : on dit énormément “patrimoine” maintenant je dis “matrimoine” ; on parle d’”hommage” donc rendre des honneurs (même honneur c’est…) à un homme, on parle de “femmage” et à voir c’est déjà assez perturbant mais formateur.

Sara : Aussi elle fait ça avec un naturel incroyable, et je me souviens qu’un moment sur scène (le spectacle est hyper riche en fait je pense que ça vaut le coup d’aller le voir plusieurs fois j’ai envie d’y retourner parce qu’à mon avis il y a plein de choses qu’on ne capte pas forcément à la première écoute et j’ai oublié ce que j’allais dire… si !) Je sais ce que j’allais dire : à un moment elle chante cet hymne “Femme Vie Liberté” avec un talent incroyable, parce que non seulement elle sait se mouvoir avec beaucoup de grâce et d’élégance et d’humour sur scène mais aussi elle sait déclamer des textes mais aussi très bien chanter donc ça, ça m’avait aussi un peu scotchée. Les costumes sont chouettes aussi, il y a une connivence avec le public, une proximité avec le public qui est assez sympa, je trouve ça chouette aussi de pouvoir y aller en famille pour poursuivre la discussion ensuite avec ses enfants si on en a (ou ses neveux, nièces ou autre), vraiment une très chouette pièce.

Florence : Puis, elle est très authentique et engagée, ce qui est assez rare elle ne fait pas de compromis sur ça, donc rien que sur ça ça vaut le coup de de la soutenir.

Sara : On passe à la dernière pièce dont on veut parler ? Enfin pièce, chose à voir sur scène, personne à voir sur scène !

Florence :  Donc Tahnee. Tahnee 2, non ?

Sara : Haha noon, en fait son compte sur Instagram c’est “Tahnee l’autre” ! Donc “T.A.H.N.E.E l’autre” parce que justement une autre Tahnee avait déjà pris ce compte 🙂 

Florence : Alors moi j’ai adoré cette pièce, au moment où j’en suis sortie j’ai fait la pub à tout le monde, des mois après je l’ai refait, je le fais tout le temps parce que : c’était très bienveillant, c’était très touchant, c’était très intime, c’était fin, c’était rafraîchissant… C’est un milieu que je connais peu donc Tahnee du coup est une personne racisée et lesbienne et n’étant pas dans ces catégories-là, je n’ai aucune idée de ce qui est traversé, même le racisme envers les personnes noires je connais mieux maintenant mais au moment où j’ai vu le spectacle je savais pas qu’il y avait une histoire sur les cheveux par exemple, donc c’est vraiment une super opportunité de savoir ce que vivent d’autres personnes et de façon drôle et touchante, sans culpabiliser, sans… sans agressivité. On passe vraiment un très bon moment donc moi j’ai vraiment adoré pour le coup ce spectacle.
Je me rappelle d’un moment où… (je l’ai vu il y a longtemps c’est pour ça que je dois creuser un peu !) où son amie, enfin sa copine du coup est aussi une personne racisée et elle raconte comment une personne dans le métro regarde l’une puis regarde l’autre et comprend pas et est très perturbée et elle se dit “ah mais il y a deux fois la même personne” (et moi ça m’arrive tout le temps en tant que personne racisée, d’une autre façon) mais le fait que ensuite elle dit qu’elle s’embrassent je crois du coup là elle comprend vraiment plus rien donc le fait de tourner en ridicule ces scènes-là alors que à la base probablement c’est difficile à vivre, je trouvais que c’était un travail assez remarquable.

Sara : Oui je suis d’accord elle dénonce des choses qui sont de fait très très violentes, que ce soit des microagressions quotidiennes à un système quand même plus largement violent avec beaucoup de dérision, d’humour évidemment, beaucoup de douceur aussi, c’est à la fois hyper intelligent et caustique si on va jusqu’au bout du truc mais vraiment si on y va jusqu’au bout parce que ça passe crème en fait, tout, elle l’amène tout avec douceur et bienveillance elle porte un regard sur elle aussi, sur la elle d’avant, sur la lesbienne qui se découvre et qui commence à entrer en relation avec d’autres femmes mais qui n’a pas les codes avec humour mais pas cet humour d’autoflagélation ou autre, c’est très bienveillant envers elle-même aussi, et elle se moque aussi gentillement des personnes hétéro qui portent une norme aussi hétéro sur elle et sur le monde et voilà c’est très fin, doux bienveillant, juste, c’est hyper touchant, voilà ; tu parlais aussi d’authenticité, de vulnérabilité je crois, enfin de sensibilité, je trouve que c’est une personne qui est très touchante et je suis ravie de voir que son spectacle prend l’ampleur : on l’a vu je crois toutes les deux à Comédie des Trois Bornes et là elle se produit à l’Européen. 

Florence : A La Nouvelle Scène je crois.

Sara : Oui à un moment oui à La Nouvelle Scène, donc je trouve ça hyper cool voilà qu’elle ait un écho supplémentaire et si vous ne l’avez pas vue allez aller la voir, retournez-y avec vos potes c’est vraiment une super artiste…

Florence : On arrive à la fin de ce podcast ma chère Sara, le temps est passé trop vite. 

Sara : Hyper vite !

[musique de générique d’outro]

Florence : On espère que cet épisode vous a plu. Si c’est le cas, n’hésitez pas à le partager à vos proches, ou à nous noter 5 étoiles pour contribuer à sa diffusion.

Sara : La Place des Grenouilles est une association à but non lucratif qui compte sur vos dons. Vous pouvez aussi adhérer à l’asso à partir de zéro euro !

Toutes les infos sont disponibles sur notre site internet

Florence : lapdg.fr

[fin de la musique de générique d’intro]

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