Pour ce septième épisode du podcast antisexiste de La Place des Grenouilles, Nathalie Allison nous raconte le métier de la coordination d’intimité. Elle nous livre son parcours, les difficultés mais aussi la beauté de ce métier tout nouveau et pourtant indispensable.
A travers son récit, vous plongerez dans la préparation et le tournage de séquences intimes de films ou séries, vous entrerez en empathie avec les comédien·nes, vous comprendrez mieux les enjeux liés à la production, à la diffusion, et à l’impact de ces images —sur les professionnel·les de l’audiovisuel et sur le public.
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La musique de notre générique est composée par Gisula (https://gisula.com).
L’épisode a été enregistré le 11/11/2024.
Ressources
- Sex is comedy, la révolution des coordinatrices d’intimité, un documentaire d’Edith Chapin
- Split, série française d’Iris Brey
- Normal People, série irlandaise de Lenny Abrahamson et Hettie Macdonald
- Sex Education, série britannique de Laurie Nunn
- House of the Dragon, série étatsunienne par George R. R. Martin et Ryan Condal
- Sans jamais nous connaître (All of Us Strangers), film d’Andrew Haigh
- Pauvres créatures, long-métrage de Yórgos Lánthimos
- Festival du Film Féministe de la ville des Lilas
- « Male gaze, ce que voient les hommes », un épisode du podcast Les Couilles sur la Table
- Principal Intimacy Professionals : organisme de formation à la coordination d’intimité canadien
- La Fémis : école française de l’audiovisuel
- Le Cours Florent : école de théâtre française
Transcript de l’épisode :
[musique de générique d’intro]
Sara : La Place des Grenouilles, c’est une association ET un podcast qui proposent des espaces de discussion et de réflexion pour déconstruire, ensemble, les normes de genre.
Florence : Au fil des épisodes, on vous propose :
– de revenir sur des œuvres et événements qui nous ont plu,
– de découvrir des métiers à priori genrés,
– ou encore d’approfondir des sujets de société grâce à des expertEs de différents domaines”
Sara : Nous sommes Florence et Sara,
Florence : bienvenue sur La Place des Grenouilles”
[fin de la musique de générique d’intro]
—
Sara : Bonjour Nathalie ! Nathalie Allison donc, après 10 ans d’expérience en tant que comédienne dans le cinéma et le théâtre, tu es devenue coordinatrice d’intimité en 2022 pour le cinéma et la télévision. Tu donnes aussi des cours au Cours Florent à Paris, tu es écossaise et ça fait presque 7 ans que tu es en France ; je suis ravie de t’avoir rencontrée au Festival du Film féministe aux Lilas il y a quelques semaines, merci d’avoir accepté notre invitation. Comment vas-tu ?
Nathalie Allison : Je vais très bien merci, et également, c’était un plaisir de te rencontrer.
Sara : On te reçoit aujourd’hui pour parler de ce métier (on est dans un volet métier du podcast), donc la coordination d’intimité, c’est un métier très récent, qui est encore peu connu en tout cas en France euh il y a certaines personnes qui disent que c’est un peu “la police des scènes de sexe” sur les plateaux ou bien que ça peut rendre les scènes un peu… un peu coincées, un peu prudes, moins sexy : qu’est-ce que tu réponds à ces gens-là, est-ce que c’est, enfin, cette définition c’est pas à la fois réducteur et réactionnaire ?
Nathalie Allison : On a toujours un peu peur d’un changement. On a toujours fait quelque chose d’un certain façon, la coordination d’intimité a été popularisée aux États-Unis euh d’après le mouvement #MeToo, en 2017-2018 mais ça existait avant. Mais ça a devenu beaucoup plus normalisé à ce moment-là euh pour dire en France le mouvement #MeToo à cette époque n’a pas vraiment eu le même le même effet euh le même impact et je pense que peut-être on est en train de d’avoir notre propre mouvement #MeToo 2,0 maintenant avec Judith Godrèche qui nous soutient énormément, avec euh bah avec le pauvre petit Depardieu (qui est juste trop malade…) (rires) mais oui voilà, je pense que il y a une tradition dans le cinéma français, il y a, il y a un façon de faire les choses, le le réalisateur la réalisatrice, et souvent l’écrivain ou l’écrivaine aussi, de leur scénario et d’avoir quelqu’un qui va venir peut-être euh c’est pas vu comme un collaboration c’est le peur c’est que je vais arrêter le le l’alchimie ou le passion ou mettre des freins etc. et c’est pas du tout le cas si on regarde les séries, les films qui ont utilisé des coordinatrices d’intimité, les scènes de sexe ou la nudité ou bien –parce que quand on parle d’intimité c’est pas que ça.
Sara : Oui, comment tu définis toi, en fait, ton métier ? Pour les gens qui connaissent pas ce que c’est la coordination d’intimité, comment tu expliques ?
Nathalie Allison : Euh un coordinateur une coordinatrice d’intimité est une personne tierce donc euh j’ai pas de, je suis pas liée avec la production je suis pas liée avec la mise en scène, je suis pas liée avec un, une comédien, comédienne en particulier ; je suis là pour faciliter la communication entre les envies de la mise en scène, la vision artistique et la sécurité et le confort des comédiens et comédiennes.
Sara : Ok !
Nathalie Allison : Euh ça peut être de mettre un cadre par rapport de leurs limites corporelles, ça peut être en amont d’essayer d’avoir autant d’informations possibles sur euh l’éclairage, sur le lieu, sur le, le montant de gens sur le tournage, sur euh, des fois on va recevoir des scénarios et c’est écrit “ils font l’amour”…
Sara : Oui ça veut rien dire. Enfin, ça veut tout et rien dire !
Nathalie Allison : Voilà, on a besoin de plus d’informations. Donc, déjà, il y aura des conversations avec la mise en scène, après des conversations avec les interprètes et au milieu de ça on trouve la possibilité. Il y a pas un façon de faire le travail, c’est c’est de trouver le meilleure façon à collaborer avec toute l’équipe pour rendre ces scènes réalistes (si c’est le besoin c’est que c’est réaliste), que c’est beau euh personnellement moi j’aime bien quand c’est un peu plus créatif, quand on s’éloigne un petit peu de male gaze, de des scènes de sexe un peu plus intéressant à regarder euh et c’est pour ça quand je parle des scènes de sexe, scènes de sexe simulé, qui ont utilisé des coordinateurs/coordinatrices d’intimité, ils sont beaucoup plus imaginatifs, les comédiens les comédiennes ont souvent eux le possibilité de vraiment aller plus profondément dans leur personnage parce que, ils devaient pas penser de “où est-ce que je mets mes mains ?”, “est-ce que bah, il y a 40 personnes sur le tournage, je me sens pas bien que je suis seins nus”, “c’était pas prévu qu’on va faire cette séquence…”, donc pour moi le moins de surprises et le plus de préparation en amont c’est le meilleur pour mon travail. Et pour finir, juste le point que je disais, l’intimité c’est tout ce qui peut rendre quelqu’un vulnérable je vais dire, donc de sexe simulé, de la nudité, des séquences d’intimité médicale, donc des accouchements (des accouchements simulés), des des examens de frottis euh et et l’intimité est subjective et culturelle, culturellement et personnellement pour beaucoup de personnes on parle de nudité en France, en Europe de l’ouest, la nudité c’est c’est les seins et c’est, et c’est les parties génitales et les fesses euh pour euh pour le Moyen-Orient, pour pour les pour les pays comme Maroc ou des autres pays liés avec la France aussi euh bah, enlever la foulard pour une femme qui porte le hijab c’est un intimité, c’est un nudité, c’est… on n’est pas nécessairement juste là pour sexe simulé et nudité, il y a tout un tas de raisons.
Sara : Ok. Tu as soulevé différentes choses hyper intéressantes ; peut-être, première question pour les personnes qui peut-être ne connaîtraient pas, est-ce que tu peux définir le male gaze et du coup qu’est-ce que c’est une sexe de, une scène de sexe (pardon) avec un male gaze ?
Nathalie Allison : Ouf ! Euh le male gaze, “le regard masculin”… Il y a des réalisatrices qui tournent des séquences en male gaze et il y a des réalisateurs qui tournent des séquences avec un female gaze ; le male gaze c’est quand dans un séquence un scène de sexe hétéro (ou pas euh ça peut être entre deux femmes aussi) euh un scène de sexe est est créé pour la consommation masculin. Si c’est un scène hétéro par exemple, on va voir direct les seins euh de la femme, euh ils vont embrasser avec la langue pendant 3 secondes et après on va boom direct à la pénétration et et 1 2 3 elle a joui (rires). C’est, c’est cet regard-là, c’est un regard créé pour la consommation masculin cis hétéro.
Sara : Pour les personnes qui souhaiteraient approfondir le sujet il y a un épisode (ou deux épisodes même, je crois) des Couilles sur la table qui est sorti en 2020 à ce sujet-là qui est très intéressant.
Tu as mentionné quelques, quelques exemples concrets de comment se matérialise ton travail de coordination d’intimité. Est-ce que tu peux nous faire tout le déroulé un peu “type” (s’il y en a un) euh de à partir du moment où tu es contactée (déjà qui te contacte ?) et quels sont les entretiens que tu vas mener avec les uns, les unes, les autres, à quels moments tu interviens ? Voilà parce que bon, un film oui, c’est les tournages mais c’est énormément de travail avant et après ; voilà pour les gens qui connaissent pas (qui sont à mon avis la la plupart des gens qui nous écoutent), la coordination d’intimité intervient quand et comment, à quel –à chaque étape ?
Nathalie Allison : Euh donc dans les situations de rêve euh je suis appelée au moment de pré-production quand euh, quand ils sont peut-être en train de faire le casting, ou le casting vient d’être fait. Euh ça peut être quelqu’un de la mise en scène, qui qui appelle parce que le réalisateur ou la réalisatrice a décidé qu’ils ont envie de collaborer. Ça peut être la production qui appelle (même en France maintenant c’est, je pense, je suis pas à 100 % mais je pense que les productions Netflix, Amazon, Disney + sont obligées d’avoir une coordinatrice d’intimité pour certains séquences). Euh donc dans ce cas-là, c’est la production (ça c’est c’est jamais le les interprètes qui nous contactent même si c’est à leur demande que qu’on soit contacté·e), donc c’est la première appel moi je je parle de comment moi je travaille parce que les coordinatrices et coordinateurs d’intimité qui sont formé·es comme moi euh on on va tous avoir un petit peu notre propre façon de travailler aussi euh mais ça reste assez concrète.
Sara : Et donc on on t’appelle et qu’est-ce qu’on te dit ? On te dit “bah il y a telle et telle scène qui pourraient relever de l’intimité, qu’est-ce que tu en penses ?” ou “qu’est-ce que tu veux faire ?” ou “on t’envoie un script” enfin comment… ?
Nathalie Allison : Oui. Bah la première appel, souvent ils vont dire euh “oui on a un séquence de de sexe simulé, c’est cette date-là, est-ce que vous pouvez être là ?”
Sara : D’accord ! (rires)
Nathalie Allison : (Rires) Et et moi, moi je veux toujours lire le scénario en totalité. Parce que, il y a souvent des choses qui sont ratées, euh des choses qui sont en question, les choses qui qui méritent d’être au moins discutées. Donc pour un film, ça fait deux petites heures pour lire, pour un série ça prend un peu plus de temps à lire tous les épisodes mais quand j’ai travaillé sur un série c’est, on veut pas de répétition parce que quand on tourne un série on est en train de faire épisode par épisode et et on va peut-être oublier ce qu’on a déjà fait donc c’est important de voir le le lien, voilà. Donc à partir de ça euh normalement il y aura un rendez-vous avec la mise en scène, avec le le réalisateur ou la réalisatrice pour comprendre leur vision, pour chaque séquence, qu’est-ce que ça raconte, qu’est-ce que ça, qu’est-ce que ça donne à l’histoire, au personnage –des fois c’est rien, c’est juste des fois c’est juste c’est un film d’action, on a besoin d’un scène de sexe et ça ça me dérange pas (rires) c’est pas grave, c’est pas c’est pas le plus créatif mais c’est pas grave– donc on parle de ça, après je vais avoir des conversations individuelles, et en privé, avec chaque interprète qui fait partie de des séquences (des scènes de sexe ou des scènes de nudité, scènes d’intimité), comme ça je peux un peu introduire mon travail. Parce que autant pour certains réalisateurs/réalisatrices ma présence est des fois pas nécessairement voulue euh pas pas par des comédiens et des comédiennes je comprends, je comprends quand en voit tous les mauvaises, tous les mauvais presse qu’on peut avoir euh donc c’est c’est un bon moment pour introduire, pour expliquer que je suis là pour soutenir, de de trouver des solutions, de de mettre en avance leur sécurité et et et et leur consentement et que si les deux comédiens sont très à l’aise avec l’un l’autre, qu’ils ont déjà joué ensemble pendant 3 mois bah c’est bon, je suis juste là pour que c’est beau en caméra, c’est pas grave ! Ou c’est quelqu’un qui a envie que chaque respiration, chaque mouvement, chaque toucher, chaque effleurage de main soit chorégraphié, bah on va faire comme ça. Tout tout est possible donc voilà, je parle avec eux euh je vais voir si je vais parler avec habillage, avec costume, avec maquillage, il y a des séquences où peut-être il y aura des des SFX, les VFX [effets spéciaux, ndlr], de voir comment ça va se passer euh j’ai fait un séquence avec un bébé animatronique euh avec un accouchement donc j’ai collaboré avec cet département aussi, c’est pour ça que le titre de coordinatrice d’intimité est très important et pas “coach d’intimité”, ce n’est pas comme un coach de mouvement, un coach d’enfant, un coach de jeu, c’est c’est un collaboration entre beaucoup de départements. Il y a ça, je je je me charge des protocoles de plateau fermés…
Sara : D’accord, est-ce que tu peux un peu expliquer ?
Nathalie Allison : Un plateau normal de cinéma euh sur un grand tournage peut avoir 100 personnes, 120 personnes, s’il y a des figurations, 200 personnes. Quand on travaille sur un plateau normal, un plateau “ouvert” euh tout le monde peut passer faire leur travail, faire leurs réglages et dans le monde moderne dans lequel on est maintenant euh –dans les images de old Hollywood qu’on peut avoir quand c’est juste le réalisateur qui regarde un petit écran– maintenant tout le monde peut avoir l’écran sur leur iPad, sur leur portable et regarder les retour n’importe où. Euh donc pour les séquences d’intimité, quand c’est possible, je je mettre en place des protocoles de “plateau fermé” et ça veut dire que le plateau, le lieu de tournage soit ouvert pendant les prises seulement à un équipe très très très réduite, donc on va discuter avec le réalisateur la réalisatrice pour savoir qui exactement c’est.
Sara : Qui est nécessaire à ce moment-là quoi.
Nathalie Allison : Oui, pendant les prises, ça veut dire, à partir de “action”. Après quand on a dit “couper”, les interprètes peuvent se couvrir, peuvent prendre un peignoir, peuvent sortir et la reste de l’équipe peut rentrer après.
Sara : Ok.
Nathalie Allison : Et le, l’accès au moniteur est beaucoup réduit, voire les moniteurs sont coupés parce que on est, on est trop, c’est trop… c’est pas qu’on a pas confiance avec l’équipe, moi je pars sur la base que tout le monde est sympa, je pense que les êtres humains, on est, on est gentil mais il y a, il peut y avoir des erreurs, des des trucs maladroites, de dire “bah je vais juste prendre un petit screenshot pour montrer ma femme plus tard” euh…
Sara : C’est risqué, quand même.
Nathalie Allison : C’est risqué et ça fait très peur pour les… ça ça nous rend très mal à l’aise les comédiens ; en tant que comédienne euh je sais que de ne pas savoir qui peut voir, c’est un peu intimidant, c’est impressionnant.
Sara : Et donc là, tu tu disais : on t’appelle, tu fais des entretiens (avec évidemment les comédiennes et les comédiens mais aussi avec différents corps de métiers), tu es là, présente sur le tournage euh pour garantir ou non des plateaux fermés euh et puis suivre les scènes telles qu’elles se déroulent, qu’est-ce qui se passe quand il y a un truc qui va pas pendant le tournage ? Est-ce que tu as un exemple –alors peut-être à toi ou à quelqu’un d’autre– dont tu pourrais parler ?
Nathalie Allison : Ben moi personnellement, comme comédienne j’ai jamais eu la chance de travailler avec une coordinatrice d’intimité, en tant que comédienne… Le truc c’est que, comme j’ai dit, je pense même dans ce monde avec beaucoup d’ego et beaucoup de etc., je pense pas que les gens ont envie de faire du mal, je pense que des fois des réalisateurs les réalisatrices des fois ils sont très au courant, mais des fois je pense qu’ils sont pas au courant que la hiérarchie de pouvoir, le le le fait que nous les comédiens les comédiennes nous on apprend très très jeune aux écoles de théâtre, à la conservatoire, à dire oui à tout, et donc le danger, les choses qui peut arriver c’est que si on n’a pas tous ces préparations en amont, si on n’a pas tout ces conversations, c’est que on doit improviser un peu le jour-même, que on doit… qu’il y aura peut-être des demandes juste parce que le réalisateur n’a pas pensé de ça et que ça vient à lui maintenant et donc “oh je pense que ça, cette scène quand tu te réveilles le matin, ce serait beaucoup mieux si tu es sans t-shirt” et il y a, comme on a dit, 45 personnes qui attendent pour faire leur boulot et lui il pensait juste que ça va être mieux, moi peut-être j’ai pas envie de faire ça.
Sara : Mais il y a une une pression très forte qui s’exerce à ce moment-là, c’est difficile d’obtenir un vrai consentement.
Nathalie Allison : Oui ! Qu’on apprend, aussi, on apprend de dire oui pour parce que quelqu’un d’autre va dire oui, si nous on dit pas oui, euh donc avec les comédiens avec qui je travaille maintenant j’explique que les limites peuvent être dépassées, on peut, par accident, par erreur, on peut dépasser la limite de quelqu’un, il y a beaucoup de choses à penser en même temps, je comprends, pas besoin de les justifier, il y a peut-être un changement de décor, changement de position et on a oublié parce qu’on a jamais touché ça pendant les répétitions, on a oublié qu’on n’a pas le droit de toucher, le le le droit le le bras gauche de quelqu’un donc qu’est-ce qu’on fait, on va pas faire un gros cinéma, on va prendre le temps, je vais peut-être dire “écoute, j’ai vu que un limite était dépassé, est-ce que tu vas bien ?” Je prends un temps avec la personne, leur limite était dépassée, parce que des fois quand dans l’écran portable la personne va juste dire “bah oui ça va moi j’ai même pas noté, tout va bien”. C’est pas pour moi de de créer un cinéma s’il y a quelque chose, si tout le monde est ok. Je suis toujours présente, je suis toujours dans le champ de vision des des interprètes.
Sara : Oui donc ta simple présence en fait peut rassurer aussi, et légitimer un non-consentement que une actrice ou un acteur pourrait exprimer.
Nathalie Allison : L’idée, le fait que je dis pendant chaque tournage (sur les tournages où je fais un gros chorégraphie, qu’on a beaucoup discuté, que c’est mouvement par mouvement OU sur les tournages où je suis là juste pour cadrer, pour être sûre que tout est bien), j’explique aux interprètes que je reste dans leur champs de vision parce que des fois on a juste besoin de quelqu’un d’autre, on a besoin de regarder quelqu’un et juste dire avec les yeux “je veux pas, mais je veux pas dire.”
Sara : Oui.
Nathalie Allison : Et donc dans ces situations-là, je prends, je suis déjà prise des fois pour la personne chiante donc je prends pour moi pour être la personne chiante et je dis “pardon, j’ai juste besoin de 10 minutes avec avec cette personne, on a un problème avec le scotch, le cache-têton”, quelque chose. Je, je le prends sur moi parce que moi j’ai pas un problème de de prendre la place ou de prendre du temps euh quand c’est difficile pour quelqu’un d’autre de le faire, donc j’essaie d’avoir un communication le plus ouvert possible, le plus clair et et communicatif possible en amont pour que on se sent bien de le faire ça pendant le tournage aussi.
Sara : Ok. Et est-ce que tu interviens après le tournage aussi, ou ton ton rôle termine quand on a fait “couper” ?
Nathalie Allison : Euh non je je prends toujours le temps d’envoyer des mails de suivi ou un petit SMS (ça dépend comment on a parlé) parce que oui voilà il y a il y a des peut avoir des séquences de non consentement, il peut avoir des séquences un peu lourd, c’est bien de partager les les méthodes de de de self-care, les… juste avoir quelqu’un euh de dire “oh je me sentais un peu bizarre après ça” que peut-être peut-être la la la personne a découvert une limite pendant et donc…
Sara : Ouais, “pendant la scène j’ai découvert cette limite que j’ignorais que j’avais donc comment je gère après, qu’est-ce que j’en fais ?”
Nathalie Allison : Ouais voilà. Donc on peut, on peut discuter de ça et euh et s’il y avait un souci ou s’il y avait quelque chose qui allait comme il fallait euh bah je je j’envoie un un rapport par rapport de ça à la production.
Sara : Ok. Est-ce que tu aurais des exemples de films ou de séries, en tout cas de scènes où il y a des scènes de sexe ou d’intimité qui sont vraiment exemplaires, où tu sais qu’il y a eu la coordination d’intimité (que ça ait été toi ou ou quelqu’un d’autre dans le métier), pour que les gens puissent se projeter sur : ok c’est quoi une une scène qui, en tant que public, on peut comme ça, de prime abord, on on sait pas que qu’elle est “bien” entre guillemets mais si on regarde attentivement, en fait on peut voir des indices qui montrent que c’est safe en fait ?
Nathalie Allison : Oui euh bah j’étais, moi j’ai adoré Pauvres créatures de euh…
Sara : … Yórgos Lánthimos ?
Nathalie Allison : Voilà ! Yórgos Lánthimos. Moi j’ai adoré ce film et c’est c’est une coordinatrice d’intimité britannique qui a fait, qui a fait l’intimité pour ces ces séquences –je sais pas si tu, tu as vu ce film Sara ?
Sara : Non, j’étais pas très attirée par le euh la bande-annonce…
Nathalie Allison : Ok, je je suis grand fan de réalisateur mais y’a pas de souci et les scènes sont hyper créatifs et… oui c’est un film qui qui divise un peu, mais moi j’ai adoré.
Sara : Je l’ai pas vu, donc je vais pas juger ! (rires)
Nathalie Allison : Il y a pas de souci, moi j’ai moi j’ai tombé amoureuse de de ce métier euh je voulais devenir coordinatrice d’intimité grâce grâce au série britannique qui s’appelle Normal People. C’était le, c’était le début de carrière de Paul Mescal, qui est hyper connu maintenant, et Daisy Edgar-Jones, et c’est un truc coming of age, c’est c’est magnifique, j’ai j’ai pleuré, les séquences sont hyper… c’est deux, c’est deux adolescents donc c’est, j’aurais juste tellement aimé avoir un série comme ça. (Moi j’ai grandi avec Skins, genre !) Et c’est magnifique pour dire aussi euh pas nécessairement les scènes de sexe mais les scènes d’accouchement euh était très bien regardés dans House of the Dragon euh parce que ils sont, ils ont gardé ça vraiment réaliste historiquement euh et je les ai trouvés magnifiques –terrifiants, mais magnifiques. Euh, un super exemple de des scènes d’amour entre deux hommes c’est Sans jamais nous connaître –c’est le titre français.
Sara : D’accord, j’ai pas vu.
Nathalie Allison : All of Us Strangers. C’est très très beau, ça a montré un un fragilité et un douceur entre deux hommes –quand souvent c’est montré comme quelque chose macho, homo-érotique quoi. Il y a beaucoup hein.
Sara : Oui ? Il y a plus que ce qu’on pense !
Nathalie Allison : Je pense que Sex Education a été chouette euh parce que ça a montré beaucoup de corps différents, ça a montré beaucoup de de sexualités, de genres, de euh des personnes avec mobilité réduite dans les scènes de sexe, euh…
Sara : C’est déjà pas mal hein ! (rires)
Nathalie Allison : Ouais et le série Split par Iris Brey, sur lequel mon cher amie Paloma García Martens a travaillé.
Sara : D’’accord ! D’accord, oui c’est vrai j’ai commencé à regarder –très chouette. Merci pour ces exemples, on peut revenir –parce que là on passe beaucoup de temps sur sur le métier etc.
Nathalie Allison : Oui, je suis allée trop loin…
Sara : Non mais c’est c’est fascinant ! Est-ce qu’on peut revenir justement sur ton parcours ? Tu as commencé ta carrière donc en tant qu’actrice ; qu’est-ce que, quel a été ton parcours ? A un moment tu as dit que tu as été formée, donc comment est-ce qu’on devient coordinatrice d’intimité, est-ce qu’il faut passer par la case “actrice” ou est-ce qu’on peut être, je sais pas, productrice (ou producteur d’ailleurs), enfin quelles compétences et qualités sont requises et quels ont été aussi les principaux obstacles (si tu en as rencontré) euh pour devenir coordinatrice d’intimité ou pour exercer aujourd’hui ton métier ?
Nathalie Allison : Mhm… bah pour l’instant il y a pas de formation en France. Il faut dire euh quand j’ai quand j’ai commencé des formations j’ai trouvé euh une seule coordinatrice d’intimité qui exerçait en France, Monia Aït El Hadj, qui est une très bonne amie aussi. Euh et j’ai trouvé très peu d’informations de si c’était même possible de de me former en Europe. Il y avait une une organisme en en Royaume-Uni euh, il y avait deux autres mais ils avaient arrêté de former les gens euh parce que cétait c’était déjà assez populaire en Royaume-Uni assez euh il y avait beaucoup de monde qui le faisait donc je pense qu’il devait freiner un peu le le formation des gens et donc moi j’ai regardé qu’est-ce qui était disponible aux États-Unis, en Canada.
Sara : D’accord.
Nathalie Allison : J’ai fait, j’ai fait une centaine d’heures euh de de petits formations, des choses de 3h, les choses de 6h, les choses de 2h, tout en ligne.
Sara : Et c’est auprès de quel type d’organisme, est-ce que c’est des universités qui proposent des MOOC ou des choses comme ça, enfin comment… ?
Nathalie Allison : Non non, c’est pas, parce que c’est pas un formation qui passe par les universités, les choses comme ça ; c’est pas un master, c’est pas un diplôme.
Sara : Mais c’est des écoles d’art ou de cinéma, des choses comme ça ?
Nathalie Allison : C’est des écoles, c’est des organismes créés par des coordinatrices d’intimité, reconnues par SAG-AFTRA, par Screen Actors Guild (donc le syndicat aux États-Unis), c’est eux qui même pour Canada et même pour les autres pays mondial c’est eux qui qui formalisent la certification des coordinatrices/coordinateurs d’intimité. Donc après avoir testé plein de, plein de des endroits différents, j’ai, j’avais un coup de cœur pour Principal Intimacy Professionals qui sont basés au Canada euh et donc j’ai commencé ma formation avec eux en mai de l’année dernière –et je la termine là (rires) là maintenant.
Sara : Ok (rires), top. Et qu’est-ce que tu as comme, enfin, c’est c’est quel type de personnes qui interviennent ? J’imagine des coordinateur·ices d’intimité, et est-ce que c’est quoi, de la psycho, de la socio, de l’histoire de l’art ? Qu’est-ce que on vous enseigne ?
Nathalie Allison : Un peu de tout : on doit être formé·e dans plein de choses différents à côté de d’une formation de coordinateur, de coordination d’intimité euh il faut être certifié·e dans les premiers secours de santé mentale (qui est qui est vraiment super, je je conseille euh tout le monde qui travaille avec avec des gens, qui travaillent dans un position sociale, de de faire cette information de 2 à 4 jours je pense, c’est c’est très court comme les premiers secours, normal, mais vraiment, pour des crises d’angoisse, pour des personnes neurodiverses, comment comment être plus sensible et plus préparé·e dans ce genre de séquence –genre de moment pardon) et on va faire des formations pour antiracisme, la sensibilisation LGBTQI+ euh le la communication non violente, et tout ça c’est on peut le faire en dehors de notre formation, c’est des choses à faire à côté. Après euh on fait des formations en chorégraphie, en mouvement, comment utiliser des des outils, des prothèses, des sous-vêtements d’intimité, des barrières, comment tricher, comment regarder les les axes de caméra, plus tout ce qui est administration, la hiérarchie de pouvoir dans le dans le monde de cinéma, qui est, qui est au top, euh comment avoir des conversations difficiles, comment aborder des sujets souvent tabous, euh oui c’est vraiment tout, et comme pré-requis je pense que c’est très utile de d’avoir une connaissance du monde de cinéma, pour travailler dans le cinéma, ouais c’est c’est un c’est un labyrinthe.
Sara : Oui !
Nathalie Allison : A comprendre tous les rôles différents et quand on vient comme quelqu’un de l’extérieur pour dire bah “il faut avoir confiance en moi hein !” c’est vraiment important qu’on comprend déjà qu’est-ce que chaque personne ils sont en train de faire, avec qui je dois envoyer un mail pour faire ça, parce que si déjà on est la personne pas toujours le plus voulu sur le tournage et on va envoyer un mail à la 3è assistante réalisateur et ils vont dire “bah je sais pas pourquoi tu me demandes ça, ça c’est une question pour le premier”, on a déjà énervé deux personnes quoi.
Sara : Oui, puis tu t’es grillé·e quoi.
Nathalie Allison : Ouais. Ouais donc ça, c’est pas nécessaire d’avoir déjà travaillé dans le cinéma mais je pense que ça aide énormément euh je pense pour moi, pour mon parcours personnel, d’avoir été comédienne avant, ça m’aide beaucoup à empathiser avec certains situations, de demander les questions que j’aurais aimé demander (rires) mais je sais qu’il y a des gens qui vient de de réglage cascade, c’est un métier où il y a pas mal de monde qui faisait ça avant, maintenant ils sont coordinateur·ices d’intimité, des coachs de mouvement, des formations en yoga, en mouvement, en sport, de comprendre le corps. Voilà, il il y a des gens qui viennent de plein de parcours différents
Sara : Ok, et donc de ce que j’entends, une des difficultés ça a été déjà d’arriver à trouver l’organisme ou les organismes qui allaient pouvoir te former. Est-ce qu’il y en a eu d’autres de, des obstacles pour exercer, ou pour te former ?
Nathalie Allison : Bah déjà trouver de taf après, hein (rires).
Sara : Mhm. C’est, et donc surtout en France non, tu disais qu’il y avait une grosse différence entre les les pays anglo-saxons et la France ?
Nathalie Allison : Ben oui bah je… moi je voulais pas commencer à faire des gros projets jusqu’à j’avais fait un grand partie de formation, pour moi cétait très nécessaire et ouais j’avais pas commencé à faire les les grosses, les grosses productions jusqu’à euh j’étais au moment de la partie de formation c’était de mentoring, c’était juste, c’était des conversations avec ma mentore parce que un problème qu’on a maintenant c’est que il y a moi, il y a Paloma [García Martens], il y a Sara Kamidian, Giovanni [Napoli] et Monia [Aït El Hadj], je sais pas si j’ai dit, qui sont correctement formé·es, il y a un groupe des autres qui sont en train de former qui est super et malheureusement il y a, il y a certaines personnes qui exercent sans formation de tout, je trouve que ça ça peut mettre notre métier un peu en difficulté euh il y a des gens qui peuvent avoir un mauvais expérience avec une coordinatrice d’intimité qui n’est pas, qui n’a pas assez d’expérience pour faire ce genre de tournage euh donc moi j’ai commencé que avec des films étudiants ou avec des courts-métrages que mes amis étaient en train de faire, des petits projets et petit à petit on, on voit qu’est-ce qu’on est capable à faire et donc oui pour moi la difficulté c’était de trouver du travail parce qu’il y avait pas énormément.
Sara : Est-ce que tu vois une différence entre quand tu as commencé à vouloir trouver du taf et aujourd’hui (même si c’est assez récent) dans ce domaine-là ?
Nathalie Allison : J’ai, j’ai un peu plus d’appels, je pense que ça ça a beaucoup changé cette année, je pense que ça devient un peu plus normalisé en France euh donc oui oui j’ai j’ai j’ai un peu plus plus d’appels maintenant mais pour dire la coordination d’intimité c’est pas comme, c’est pas comme première assistante, deuxième assistante ; un film, un première assistant peut avoir 60, 80 jours, 100 jours, 120 jours de de de tournage payé, et nous ça, c’est peut-être 4, c’est peut-être 5 euh donc il nous faut plusieurs projets en même temps souvent. Le truc qui m’a beaucoup beaucoup aidée, le le grand souci que j’avais au début c’est que je me sentais très seule, parce que c’est un métier qui exerce toute seule en préparation sauf les conversations mais il a il y a vraiment pour 90 % de travail qui se fait avant. Et je suis très fière et très contente que euh dans les dernières 2 ans, j’ai j’ai vraiment trouvé ma petite communauté ouais des autres coordinateur·ices d’intimité on se soutient euh on est là, on respecte évidemment le le privacy –comment dire…
Sara : Euh… oui la… la confidentialité !
Nathalie Allison : Oui, on respecte la confidentialité de de chaque projet sur lequel on travaille mais on est là pour se soutenir et ça, ça pour moi, peut-être, c’était c’était le plus grand euh difficulté que que j’ai dépassé, honnêtement (rires).
Sara : Ok, intéressant, merci beaucoup ! Et enfin j’imagine que tu as apprécié ta carrière d’actrice, je sais pas si tu joues encore, en tant qu’actrice ?
Nathalie Allison : Oui euh non, j’ai j’ai un compagnie de théâtre et et et j’aime bien faire avec eux mais j’adore être de ce côté donc j’ai j’ai tenté un peu plus, j’ai fait un peu de mise en scène pour théâtre et je préfère, je pense (rires).
Sara : Ok, qu’est-ce qui, à la base, t’a motivé à aller vers ce métier, à faire ce ce mouvement dans ta carrière, et pourquoi c’est important pour toi que ça existe, ce rôle de coordination d’intimité au sein d’une équipe de production ? Qu’est-ce que tu penses que ça apporte aux actrices, aux acteurs, aux réals aussi, à la production et bien sûr, au-delà des coulisses, au monde de la culture, et dans nos représentations : tu parlais de “gaze” tout à l’heure, de différents types de “gaze” : qu’est-ce que, qu’est-ce que ça apporte, pourquoi c’est important et qu’est-ce qui t’a motivée ?
Nathalie Allison : Qu’est-ce qui m’a motivée de faire ce métier ? Euh, le série Normal People (rires)… J’ai je l’ai vu, j’ai voulu savoir comment ils ont fait ces séquences je trouvais tellement magnifiques et quand j’ai commencé à lire sur les les coordinations d’intimité ben je savais pas que ça existait ! Je savais pas que c’était un possibilité et malheureusement la vérité c’est que, il y a très très peu de de de personnes avec qui j’ai parlé en tant que comédienne donc mes amis qui sont aussi comédien·nes (et j’inclus vraiment, j’inclus les hommes dans ces situations aussi) euh qui qui n’a pas eu un mauvaise expérience. On était –et on est toujours– en tant que comédien·ne euh considéré·e un peu comme le décor, un peu comme un [cintre] avec une belle robe euh et si on dit qu’on doit aller à gauche, on doit aller à gauche, et si on dit qu’on va aller à droite, on va aller à droite, et si on doit, on dit qu’on doit montrer les seins, on doit montrer les seins.
Sara : Comme de simples objets en fait, à manipuler…
Nathalie Allison : Oui voilà, on était les objets à manipuler, des mannequins de de magasin de vêtements, et de voir que c’était, il y avait un possibilité de rendre ces séquences, ces scènes de d’intimité pas seulement plus beaux et plus créatifs et plus intéressants et plus sexy et plus je sais pas quoi au caméra mais de rendre l’expérience de les tourner plus fun et moins chelou et moins dérangeants pour les interprètes aussi, je me suis dit “bah c’est c’est trop cool” ! L’importance de de de la présence d’une coordinatrice d’intimité c’est, c’est la fait que ce soit un personne tierce ; c’est c’est pas la producteur qui qui a besoin que ça soit comme ça parce que c’est les les gens qui a payé pour ça veut que c’est exactement comme ça euh c’est pas le réalisateur·ice qui a leur image et on s’en fout des autres, c’est ça que, c’est ça que je veux je veux créer et voilà c’est c’est de c’est c’est c’est d’avoir une personne qui n’est pas liée directement avec un certain personnes, c’est c’est un regard extérieur et ça peut être que ça des fois, ça peut être vraiment juste bah “qu’est-ce que tu penses de ça ? tu penses qu’on peut améliorer en changeant quoi ?” et… euh et est-ce qu’il y avait un autre partie de question ?
Sara : Oui pardon, t’inquiète, il y avait plein de questions à l’intérieur de la question, donc c’était tes motivations pour t’y intéresser, et je te demandais qu’est-ce que ça apporte, dans l’absolu, le métier, l’activité de la coordination d’intimité pour la, le monde de la culture, pour nos représentations aussi dans nos esprits ? Tu vois tu tu parlais aussi tout à l’heure beaucoup de de des scènes un peu chiantes ou des scènes plus créatives. Qu’est-ce que ça peut apporter que, justement, il y a des personnes comme toi qui amènent plus de, enfin, tu vois la scène de du mec qui chope la nana, qui la plaque contre le mur, qui l’embrasse fougueusement et après il la pénètre tout de suite, enfin on est des générations à avoir grandi avec ça.
Nathalie Allison : Oui !
Sara : Et pour pour de trop nombreuses personnes, le sexe c’est ça, et donc je me dis que votre métier ça peut aussi aider euh les scénaristes, les les réals les metteurs et metteuses en scène à aller plus loin, et à nous donner, à nourrir nos imaginaires, de nous spectateur·ices, avec des –bon là je parle de de scène de sexe, j’ai bien compris c’est pas que ça l’intimité, mais je pense à ça notamment. Voilà, est-ce que ça ça nous aide pas à aller au-delà, et et parce qu’aujourd’hui l’éducation au sexe c’est le porno et ces films mainstream où il y a ces scènes à la con quoi, donc est-ce que c’est pas justement quelque chose de… Tu, tu as parlé de Sex Education qui, je trouve, est une très chouette série, est-ce que ça aide pas justement à nourrir nos imaginaires d’autres représentations ?
Nathalie Allison : En tant que coordinatrice d’intimité oui, on peut, on peut… Quand quand je fais un dépouillement de scénario, si je vois des stéréotypes, si je vois des choses qui peuvent faire du mal, qui peuvent, un mauvaise représentation d’une personne racisée, ou ou en en personne trans par exemple, en minorité quoi, euh je peux dire je peux dire “est-ce que vous avez consulté quelqu’un ?” euh euh “est-ce que vous avez eu le conversation ?” je peux demander les questions, je peux proposer les idées euh mais il y a un plus grand changement qui doit qui doit se faire parce que je je suis je suis à ce moment-là je ne suis pas le réalisateur·ice ni l’écrivain ni ni le scénariste donc euh… Je pense que ça commence petit à petit à changer, qu’on voit un peu plus les corps différents euh les euh des des des personnes des des personnes gay dans des films qui sont pas juste traumatiques euh ou des personnes queer où le fait qu’ils sont queer ça fait pas partie euh de l’histoire… Ces petites choses comme ça, c’est tellement important mais on est loin de ça et c’est c’est un changement culturel qui doit arriver.
Sara : Et dans, en fait, dans ton, dans ta projection idéale et naturelle est-ce que tu te dis que quand ce sera plus intégré peut-être que dans 5 ans, 10 ans (je sais pas quel est l’horizon) on on pensera pas à t’appeler quand on sait qu’on est à la veille d’un d’une scène de tournage de sexe simulé mais plutôt même avant, lors de l’écriture du scénario, lors du du casting…
Nathalie Allison : Oh ouais ce serait chouette !
Sara : Ouais ? C’est un peu ça le, la finalité, dans l’idéal ?
Nathalie Allison : Oui bah ce serait super hein, ça serait super et et pas nécessairement que moi ! Peut-être moi pour faire un première lecture d’un scénario mais comme j’ai dit, si ça parle si ça parle d’un histoire d’amour avec un homme trans, pour moi le plus important c’est d’avoir un un consultant trans qui va qui va regarder les scénario et c’est ça la question c’est ça il faut mettre l’importance dans ces personnes-là. C’est, ça veut pas dire qu’un personne cis peut pas écrire un personnage trans mais demander…
Sara : Il y a besoin de supervision, oui.
Nathalie Allison : Ouais ! Pour demander aux gens, comme on va être sûr·e que quand on écrit quelque chose historique on va on va vérifier avec un expert sur sur le Moyen-Âge pour être sûr·e que les costumes sont bien faits, avec des êtres humains aussi, ça semble tellement…
Sara : la base ! (rires)
Nathalie Allison : Ouais et euh mais non on est loin et même avec les séries les films américains, britanniques, il y a un question, un question de de soirée/dîner que j’aime demander pour vraiment mettre l’ambiance tu sais : “Est-ce que tu peux me dire un film ou un série où il y a un personnage grosse ou gros, mais surtout je pense une femme, une femme grosse qui est le star romantique où le fait qu’elle soit grosse soit pas partie de son histoire ?”
Sara : Ouais. Je n’en connais pas, personnellement, ouais.
Nathalie Allison : Non. Parce que quand on dit homme, un personne gros, tout le monde dit Jack Black donc je (rires) j’essaie de focaliser sur le fait que les femmes grosses, pour une raison ou l’autre peuvent pas être considérées belles, sexuelles, attirantes quand c’est pas du tout le cas.
Sara : Mhm. Ca me rappelle un témoignage de la chanteuse Mathilde –je sais pas si tu connais, chanteuse pop française– euh qui avait (qui A une voix incroyable) et qui avait tourné un un clip pour sortir je sais pas si c’était un, enfin, pour sortir un titre en tout cas, elle avait tourné un clip et c’était très sensuel, il y avait quelques –enfin “très sensuel”… c’était, il y avait rien de très très explicite (enfin après bien sûr tu l’as dit l’intimité c’est relative à la culture etc., mais pour le regard français bon on voyait un peu son épaule)– c’était, c’était voilà, érotisant mais mais bon on voyait aucune partie intime et au final la production a tout bloqué, alors que j’ai vu des extraits, c’était sublime, voilà, mais ça n’allait pas parce que elle ne, elle ne correspondait pas aux canons de beauté, aux corps très normés qu’on a l’habitude de voir à la télé, et c’est déplorable…
Nathalie Allison : Ouais, ouais.
Sara : Bon, bref.
Nathalie Allison : Donc non, il y a des changements à faire il y a, il y a, et je reste positif et optimiste que on va voir un différence parce que je vois, comme j’ai dit, je je travaille euh je travaille au Cours Florent, je j’ai collaboré avec des films pour la Fémis, je je vois la nouvelle génération…
Sara : Ah, cool ! Génial.
Nathalie Allison : … et ils ont envie de changer les choses.
Sara : Ah, ça fait super plaisir, ce que tu dis.
Nathalie Allison : (rires)
Sara : Je voulais te demander : quelle est ta plus grande fierté ? en tant que coordinatrice d’intimité ?
Nathalie Allison (surprise) : Oh… (elle réfléchit)
Sara : Et oui, on pense, on pense pas toujours comme ça, on a plutôt, on va plus facilement penser aux regrets, ou des choses qu’on aurait pu mieux faire ou tu vois, pour pour se perfectionner, mais mais on a des fiertés, non, à célébrer ?
Nathalie Allison : Oui ! Euh, ben déjà il y a une fierté de, le fait que j’ai, je suis arrivée de le faire ! J’ai, je viens de d’une petite village en Écosse, le français n’est pas ma langue maternelle (bien évidemment), j’ai j’ai un parcours très différent, j’ai découvert comment ça marche le monde de cinéma en France (parce que c’est pas, c’est pas pareil) euh et je je suis fière de moi que je mette les gens en sécurité que je donne la possibilité et j’ouvre les portes et je j’ouvre la communication pour des gens euh et quand je dis c’est c’est quelque chose que moi j’avais pas c’est pas avec euh que je suis amère ou quelque chose comme ça mais je vois que ça fait un différence. Et j’ai travaillé sur un super un super moyen-métrage cette année donc c’était pas de tout, j’ai travaillé pour pour un série Netflix et un film Gaumont, et un film ça ça et bla bla bla, cette petite petite film pour un petite maison de production (Sisteria), un film qui s’appelle Plus fort et on a pris le temps de répéter, on a pris le temps de discuter et quand j’ai vu ce film, et quand j’ai parlé avec les comédien·nes, ils ont dit qu’ils auraient pas pu faire le film sans moi…
Sara : Waouh !
Nathalie Allison : … Et que il y a beaucoup de monde, beaucoup de retours en disant que même pour un film de 20 minutes on croit dans l’intimité de couple et je pense ce film-là c’est ma, c’était un grand fierté c’est sûr.
Sara : Oui, tu peux, je pense ; c’est très beau comme feedback, bravo, bravo à toi.
Nathalie Allison : Merci ! (rires)
Sara : Est-ce que tu as quelque chose à rajouter, je sais pas, soit une œuvre à recommander, ou un conseil à donner à des personnes qui voudraient se lancer dans le métier, ou… ?
Nathalie Allison : Ouh. C’est un métier qui maintenant ouais, on parle beaucoup de ça, donc c’est un peu à la mode, euh, fais fais des recherches. Et si c’est quelque chose que vous voulez faire, on espère qu’il y aura un formation en France bientôt, peut-être l’année dernière –euh, l’année prochaine. Mais juste de dire que ouais c’est pas, c’est pas “hou, je peux je vais pouvoir travailler avec les comédiens et rendre tout le monde en sécurité, ça va être tellement beau” euh euh c’est beaucoup beaucoup beaucoup de mails et beaucoup de de fiches et beaucoup de dépouillement et des tableaux et des Excel et c’est pas c’est pas aussi glamour que qu’on peut qu’on peut penser (rires) euh mais ouais fais des fais des recherches pour être très honnête, ça ça coûte beaucoup d’argent, pour l’instant, en France j’imagine que ce serait moins.
Sara : Quand tu dis “ça coûte beaucoup d’argent” : pour se former ou pour te solliciter en tant que coordinatrice ?
Nathalie Allison (éclate de rire)
Sara : (rires) D’accord, ok, ton rire en dit long !
Nathalie Allison : Pour se former, pour se former. Ouais, regarde, regarde beaucoup plus de films, regarde s’il y avait une coordinatrice d’intimité et regarde comment les séquences peuvent être différents et surtout pas prudiques, moins sexy, normalement beaucoup plus ouverte et créative et nu… Et voilà, il y a aussi il y a il y a un documentaire, en français, qui s’appelle Sex is Comedy, et ça suit Paloma García Martens sur le série Split par Iris Brey.
Sara : D’accord ! Chouette, ben on le mettra en référence.
Nathalie Allison : Ouais, ça donne un petit œil sur le travail qui est, qui est très sympa aussi.
Sara : Chouette ! Et bien écoute, merci beaucoup, d’avoir, de t’être livrée sur ton parcours, sur comment tu vois les choses aujourd’hui, c’était hyper intéressant…
Nathalie Allison : Merci !
Sara : … et je suis ravie, merci 🙂
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[musique de générique d’outro]
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[fin de la musique de générique d’intro]


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