[bookclub] « Se Défendre » et après ?

Nous venons de terminer le club de lecture en mixité choisie autour du livre Se défendre, d’Elsa Dorlin. Passionnant, révoltant, parfois violent, l’ouvrage trace un historique des violences, en faisant un pont avec les violences d’aujourd’hui contre les femmes et les personnes racisées.

Un nouveau cycle va bientôt commencer, où nous allons choisir le prochain livre. N’hésitez pas à nous rejoindre, c’est gratuit.

En attendant, nous vous livrons quelques extraits du livre.

Au sujet du croisement des luttes et de la sidération :

La première fois, c’est un homme blanc qui a commis le viol : alors qu’il la violente depuis plus de 45 minutes, il la traine dans la douche et la force à se baisser pour ramasser une savonnette ‘l’homme lui a ordonné « Pick it up » / « ramasse la ») pour la sodomiser de force. June Jordane se surprend elle-même à trouver sa voix : « You pick it up ». En une fraction de seconde, la peur s’était évanouie – plutôt mourir que d’obéir à cet homme blanc. La race est venue réanimer son corps paralysé (…). La race a activé sa rage autoprotectrice « un homme blanc viole une femme noire ». (…)

Dans le second viol, il s’agit d’un homme noir, militant à la NAACP. (…) Quand il commet le viol, June Jordan est en état de choc, elle est tétanisée. Quelque chose d’impensable se produit qui entrave sa puissance d’agir : il était noir, elle était noire. Elle ne se sentait pas menacée. « La question de la race était cruciale, excepté que, cette fois, la race m’a paralysée jusqu’au point ultime de mon propre effacement ».

Au sujet du care :

La force de travail investie dans le processus de connaissance s’épuise et ne peut péniblement se reconsittuer qu’à la condition d’un oubli de soi qui redouble la déréalisation de son propre point de vue, de son vécu (…)

Le dirty care désigne le sale soin que l’on se porte à soi-même, ou plutôt à sa puissance d’agir, en devenant, pour sauver sa peau, les expert·es des autres. Autrement dit, cet effort permanent pour connaitre le mieux possible autrui (…) est une technologie de pouvoir qui se traduit par la production d’une ignorance non pas de nous-même mais de notre puissance d’agir qui nous devient étrangère, aliénée.

Au sujet du racisme, de ceux qui ont le droit de se défendre et celleux qui n’ont pas le droit

3 mars 1991, Los Angeles. Rodney Kin, un jeune conducteur de taxi africain-américain de 26 ans et arrêté par trois voitures et un hélicoptère de police lancés à sa poursuite sur l’autoroute suite à un excès de vitesse. Refusant de sortir de son véhicule, il est menacé par une arme à feu pointée sur son visage. Quelques secondes plus tard, il obtempère et s’allonge finalement au sol; il est alors électrocuté à coups de taser et, alors qu’il tente de se relever et de se protéger pour empêcher un policer de le battre, il est brutalement frappé au visage et au corps par des dizaines et des dizaines de coups de matraque. Ligoté, il est laissé inconscient, le crâne et la mâchoire fracturées à plusieurs endroits, une partie de la bouche et du visage lacérée avec des plaies ouvertes et une cheville cassée; (…) La scène de lynchage de Rodney King peut être décrite seconde par seconde grâce à la vidéo amateur enregistrée par un témoin, Geroge Holliday (…) Un an plus tard, le procès des quatre policiers les plus directement impliqués dan sle passage à tabac de Rodney King (ils étaient au total plus d’une vingtaine sur les lieux de l’arrestation) débute sous l’inculpation d’usage excessif de la force devant un jury populaire où les Africains-Américains ont tous été récusés par les avocats de la défense (il y a dix Blancs, un Latino-Américain et un Sino-Américain) -jury qui, après presque deux mois de procès, acquittera les policiers. (…) Au delà du verdict qui blanchit à proprement parler les policiers, (…) la ligne de défense de leurs avocats a consisté à convaincre les jurés que les policiers étaient en danger. (…) C’est cette inversion des responsabilités qui constitue l’enjeu central (…) Ce même film qui avait été vu publiquement comme l’évidence de la brutalité policière a été exploité pour suggérer au contraire que les policiers étaient « menacés » par Rodney King.

Nous ne vous en disons pas plus, lisez-le. Vous pouvez aussi l’emprunter à notre bibliothèque à Paris.

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